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Analyse – En s’appuyant sur sa nouvelle étude balayant l’économie des télécoms en France, la FFT, le lobby des opérateurs tente de démontrer que la situation est grave, en France plus qu’ailleurs.
Depuis des mois, les opérateurs télécoms français s’attachent à démontrer qu’ils sont en danger. Nouveau contexte concurrentiel, baisses des prix, pression fiscale et réglementaire, domination des acteurs du Web, hausse des investissements… autant de facteurs qui frapperaient de plein fouet le modèle économique de ces acteurs et leurs marges.
Revenus et marges sont en effet en baisse mais demeurent pourtant encore très confortables, le secteur des télécoms reste encore, et de loin, un des plus rentables de l’industrie française.
Mais pour les opérateurs, pas question de faire retomber la pression et son lobby, la FFT (Fédération française des télécoms) multiplie les déclarations pour alimenter l’image d’un secteur en danger, au bord du gouffre.
Après avoir plaidé pour une hausse des prix, justifiée par le passage à la 4G, la FFT s’appuie également sur l’étude de Arthur D. Little réalisée chaque année pour son compte.
Sortez vos mouchoirs
Dans ce document, le secteur entend d’abord démontrer son importance stratégique dans l’économie du pays (300 000 emplois, 204 milliards d’euros injectés dans l’économie depuis 2006, 19 milliards d’impôts, taxes et licences versés depuis 5 ans, 1 point de PIB…) mais il tente surtout de décrire une situation bien sombre exigeant des mesures fortes.
Le secteur s’alarme d’abord de l’augmentation exponentielle des « taxes et redevances spécifiques » qui sont passées selon lui de 200 millions d’euros en 2006 à 1,2 milliard d’euros en 2011. On rappellera que certaines de ces ponctions sont indexées sur le chiffre d’affaires des opérateurs, chiffre d’affaires qui a également bondi entre 2006 et 2011.
Des impôts qui flambent alors que les investissements sont colossaux. L’étude souligne que les dépenses dans les licences sont passées de 582 millions d’euros en 2010 à 2,6 milliards en 2012. Il faut dire que la 4G est passée par là.
Mais si les dépenses des opérateurs resteront fortes encore dans les prochaines années (fibre, réseaux 4G), le poids de l’achat des licences aura disparu puisque celles-ci ont été attribuées et payées, comme le souligne d’ailleurs l’Arcep, le régulateur des télécoms.
La FFT déplore également les baisses des prix engagées depuis 2006 (notamment la terminaison d’appel) qui auraient provoqué une baisse de 15 milliards d’euros de revenus pour les opérateurs (dont 5 milliards en 2011) et encore -9% d’ici 2014. Sortez vos mouchoirs.
Chiffon rouge de l’OPA
Et ces baisses seraient bien plus fortes en France que dans le reste de l’Europe avec selon l’étude un repli moyen de 5,3% des revenus mobiles entre le dernier trimestre 2010 et celui de 2011 contre -4% en Europe.
Les opérateurs oublient de signaler que les prix pratiqués jusqu’en 2011 étaient au-dessus de la moyenne européenne. « Toutes les études le prouvent, les prix du mobile étaient en France plus élevés que dans les autres pays d’Europe », déclarait en juillet dernier Jean-Ludovic Silicani, président de l’Arcep.
« Faux » répond l’étude qui avance un prix moyen de 20 euros par mois en France, soit « le plus bas comparés aux autres grands pays européens et aux Etats-Unis ». Mais ce prix date d’octobre 2012 alors que tous les opérateurs ont baissé leurs tarifs suite à l’arrivée de Free Mobile en janvier. La corde est peu grosse…
Les opérateurs passent également sous silence les tarifs parfaitement prohibitifs du roaming qui n’ont baissé que sous la pression régulière et finalement réglementaire de la Commission européenne.
Le secteur préfère agiter le chiffon rouge de l’OPA hostile étrangère rendue plus facile à cause de cette baisse de revenus. « La perte de vitesse des opérateurs a un impact négatif sur la valorisation du secteur, le plaçant sous la menace d’investisseurs hostiles », souligne l’étude.
Reste que la capitalisation des opérateurs a surtout été affectée par les évolutions erratiques et brutales de la bourse de Paris cette année. Mais l’image d’un opérateur assiégé permet de mieux marquer les esprits. Même si aucun opérateur français n’a été approché par un concurrent étranger…
En finir avec l’asymétrie des tarifs pour les nouveaux entrants
Pour sortir de l’ornière, la FFT plaide pour des mesures d’urgence. Elle réclame un soutien européen aux investissements dans les réseaux très haut débit, et la fin des asymétries tarifaires sur les terminaisons d’appel dont profitent les nouveaux entrants comme Free Mobile. Or, sans asymétrie il est impossible pour ce type d’acteurs de jouer sur le niveau des tarifs… Sans asymétrie, pas de Free Mobile à moins de 20 euros par mois par exemple.
Du côté de la fiscalité, le secteur souhaite « a minima » l’allègement de la sur-fiscalité spécifique, la remise à plat de la gouvernance (taxe audiovisuelle, TST, copie privée, …), la limitation de la fiscalité sur les nouveaux services et l’arrêt des nouvelles initiatives fiscales (CNM, livre numérique,…).
Les opérateurs exigent également que les géants du Web passent à la caisse. Il est vrai que leurs services court-circuitent de plus en plus ceux des opérateurs. L’étude estime que ces services pourraient capter jusqu’à 7,5% des revenus mobiles par habitant en 2015 en Europe.
Il s’agit donc d’établir une équité réglementaire entre les opérateurs et les OTT (over-the-top) permettant une concurrence loyale, l’élargissement de l’assiette fiscale aux OTT pour les taxes et redevances spécifiques au secteur et l’assujettissement des OTT aux impôts de droit commun sur leurs activités effectives en France.
Certaines de ces propositions se heurteront évidemment aux objectifs budgétaires du gouvernement. Mais la question pour les opérateurs est bien de se présenter comme un secteur en danger même si la réalité est quelque peu différente des faits.
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Source:ZDNet.fr
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